Rencontre avec Violette Bouveret, autrice de La résolution de problèmes complexes.
Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
Pour donner à chacun les moyens d’apporter des solutions aux problèmes complexes qu’il rencontre. Nous sommes à un moment clé de notre histoire. Les défis sont nombreux, tout comme l’énergie des individus qui veulent trouver des solutions. Et elles existent ! Mais pour être découvertes et mises en œuvre, il faut impérativement disposer d’une méthode. C’est l’objet de mon livre La résolution de problèmes complexes.
Au début de votre livre, vous précisez qu'une difficulté n'est pas forcément un problème. Quelle est la différence ?
Tout ce qui nous contrarie n’est pas nécessairement un problème !
Un problème, c’est la conjonction de trois choses : la conviction que la situation pourrait être meilleure, un obstacle à cette amélioration et la volonté de surmonter cet obstacle.
Prenons l’exemple du changement climatique. Pendant longtemps, on s’est limité à constater que la situation était insatisfaisante (notamment du fait des émissions de dioxyde de carbone), que nos modes de consommation étaient un obstacle à une quelconque amélioration mais sans que cela ne se traduise par une réelle volonté d’agir. Ce n’était donc pas un problème ! Heureusement, les choses ont changé comme l’atteste la croissance des investissements dans la « climate tech » qui ont augmenté de 210% en un an, preuve d’une mise en mouvement. Reconnaitre qu’il y a un problème, c’est le premier pas vers sa résolution.
Et qu'est-ce qu'un problème complexe par rapport à un problème simple ?
Cela dépend de la nature de la solution qu’on lui apporte. Si elle est connue d’avance, il s’agit d’un problème simple la mise en œuvre est facile, compliqué sinon. Par exemple, lancer une fusée est un problème compliqué : cela requiert des compétences rares mais la méthode est connue d’avance.
En revanche, quand la solution nous échappe, quand on sait que les solutions existantes ne fonctionneront pas, quand on est dans l’impasse, alors là, c’est un problème complexe.
D’où vient cette complexité ?
Il y a trois causes de complexité qui souvent se combinent.
- Il y a la complexité combinatoire, quand on fait face à un déluge d’informations qu’on ne parvient pas à analyser. C’est le quotidien des entreprises qui opèrent sur des marchés très concurrentiels avec par exemple des nouveaux entrants, des dynamiques de concentration ou de diversification.
- Il y a également la complexité dynamique, quand tous les composants du problème sont liés entre eux. Le marché de la santé est un bon exemple : les mises en marché dépendent de la stratégie des mutuelles qui dépend du remboursement par la sécurité sociale qui dépend lui-même des études cliniques et du régulateur.
- Enfin, il y a la complexité non-triviale, quand les réactions - notamment humaines - sont imprévisibles. La lutte contre la cybercriminalité est un bon exemple. En dépit de toutes les campagnes de sensibilisation au risque de phishing, nous continuons à nous faire avoir !
Pour résoudre un problème complexe, vous proposez une méthode qui mobilise le "triangle de notre pensée". De quoi s'agit-il ?
Pour résoudre un problème complexe, il faut faire converger nos trois formes de pensées.
- La première, la pensée logique, mobilise nos capacités analytiques pour passer d’un problème confus à un diagnostic circonscrit. On sait à quoi on s’attaque !
- La deuxième, la pensée créative, nous permet d’imaginer des alternatives aux solutions existantes. On dégage de nouveaux horizons pour apporter des idées nouvelles !
- La dernière, la pensée critique, est nécessaire à la mise en œuvre les solutions imaginées en mobilisant les énergies du collectif. On passe de l’idée à l’impact !
Pour compléter cette méthode, vous vous appuyez sur les témoignages de 4 "éclaireurs" qui ont fait face à des problèmes complexes. Qui sont-ils ?
Il me semblait essentiel d’incarner la méthode au travers de témoignages de personnes ayant résolu des problèmes complexes. Je rappelle que cette méthode est née d’une rencontre entre le terrain - j’ai interrogé quarante personnes qui ont réussi à apporter des solutions efficaces à des problèmes complexes – avec la science - j’ai complété ces auditions par des modèles conceptuels issus de neuf disciplines allant de la cybernétique aux sciences de gestion en passant par la philosophie.
Paul, Olivier, Hugues et Jean-Louis ont en commun cette indignation féconde, ce refus du statuquo qui les a conduits à s’investir dans la résolution d’un problème complexe. Aucun d’eux n’avait de facilité pour réussir. Paul a moins de trente ans quand il lance Bayes Impact. Jean-Louis est sorti de l’école à 14 ans. Olivier va contre l’avis de son board pour lancer Trace Academia tandis que Hugues se met à dos tout le système bancaire. C’est ce qui est remarquable dans leur parcours : rien ne les prédisposait à réussir et pourtant…ils l’ont fait.
A qui conseilleriez-vous votre ouvrage ?
On pourrait s’attendre à ce que je réponde « aux dirigeants ». Absolument pas. Je pense que le modèle « top-down » dans lequel le pouvoir est concentré en haut de la pyramide est dépassé lorsqu’il s’agit de faire face à la complexité.
La pyramide devient une toile d’araignée dans laquelle chacun a un rôle à jouer, chaque initiative étant complémentaire des autres. Donc ce livre s’adresse à tous ceux qui s’indignent d’une situation et ont la volonté d’agir pour surmonter les obstacles à son amélioration. Ce livre leur donne des clés pour transformer cette indignation en action et donc, en impact.