Interview de Rebecca Shankland co-auteur du livre "Mettre en oeuvre un programme de psychologie positive - Programme CARE (Cohérence - Attention - Relation - Engagement)"
CARE, un programme de psychologie positive pour groupes thérapeutiques
CARE (Cohérence-Attention-Relation-Engagement), programme issu de la recherche, permet d’intégrer des outils de la psychologie positive dans des groupes de prévention ou de pratique clinique. Avec Mettre en œuvre un programme de psychologie positive (Dunod 2018), Rebecca Shankland et ses co-auteurs, Jean-paul Durand, Marine Paucsik, Ilios Kotsou et Christophe André proposent aux professionnels un guide pour utiliser CARE avec leurs groupes de patients.
Qu’est-ce que le programme CARE, comment a-t-il été initié ?
Le programme CARE est né d’une demande du terrain lorsque la psychologie positive a commencé à se développer davantage en France. Des praticiens dans les services de psychiatrie, en libéral ou des chargés de prévention nous ont demandé quelle serait la meilleure manière d’intégrer des pratiques de psychologie positive dans la pratique clinique ou la prévention. Quelles pratiques choisir ? Quelle progression proposer ? Comment amener ces pratiques et permettre à la personne de choisir ce qui lui convient le mieux ? Pour répondre à cette demande, nous avons rassemblé les pratiques de psychologie positive ayant été validées par les recherches et nous avons proposé une progression dans les pratiques et avons sélectionné celles qui nous paraissaient les plus pertinentes au regard des objectifs du programme. Le premier objectif consiste à permettre une plus grande ouverture attentionnelle. Nous avons tendance à être davantage impactés par les erreurs, échecs ou interactions négatives de la journée et nous avons plus de difficultés à percevoir et retenir les aspects complémentaires : les ressources, les solutions trouvées, les relations constructives, qui représentent une majorité de nos actions et interactions. Grâce à des pratiques de psychologie positive telles que le journal d’attention, nous proposons aux personnes de noter des événements, actions ou interactions satisfaisantes de la journée dans le but de rééduquer en quelque sorte notre mental.
Le second objectif du programme est de développer une plus grande bienveillance envers soi. La plupart des individus ont une tendance forte à l’autocritique. Nous ressassons parfois ces critiques en boucle, ce qui a pour effet de nous décourager et diminue notre engagement dans l’action, notre sentiment de compétence et augmente les affects négatifs. Or ces affects nous rendent plus rigides au niveau des réactions, des pensées et des comportements, ce qui réduit nos capacités d’ajustement aux situations. Ainsi, en développant davantage de bienveillance envers soi, cela favorise la confiance en soi, l’énergie, l’engagement et la souplesse dans nos relations.
Le troisième objectif consiste précisément à favoriser l’engagement dans des actions en cohérence avec les valeurs que l’individu considère comme importantes pour elle et pour les relations. Agir en cohérence avec ses valeurs prosociales est un facteur déterminant du bien-être durable car il augmente le sentiment d’utilité sociale et le sentiment que la vie a du sens.
À quel type de public le programme CARE s’adresse-t-il ?
Il s’adresse à toute personne intéressée par le fait d’aborder l’existence, les interactions quotidiennes, le travail, sous des perspectives différentes, en vue de retrouver des espaces de choix, un sentiment de « pouvoir d’agir », et des réponses plus diversifiées et créatives face aux situations difficiles que l’on rencontre.
Les personnes qui s’inscrivent peuvent être des personnes qui ont le sentiment de stagner, de ne pas être vraiment à leur place, qui se posent des questions à propos de leur travail ou qui souhaiteraient entretenir des relations plus constructives. Le programme CARE a aussi été adapté à des personnes qui sont en situation de souffrance psychologique, hospitalisées pour dépression ou en raison de problèmes d’addictions. Dans ces situations, le programme est particulièrement utile car il permet de contrebalancer la tendance à percevoir uniquement ce qui ne va pas. Il est possible de prendre en compte ses difficultés tout en prenant davantage conscience de ses ressources déjà accessibles permettant de faire face.
Quels praticiens le mettent en œuvre, dans quel cadre ?
Comme il s’agit au départ d’un programme développé dans le cadre de projets de recherche, les praticiens formés à ce jour sont des professionnels expérimentés dans l’accompagnement ayant suivi le Diplôme Universitaire de Psychologie Positive ou une formation plus courte spécifique au programme CARE. Les co-auteurs de l’ouvrage seront amenés à dispenser des formations au programme CARE pour des personnes ayant déjà un socle de connaissances en psychologie positive ou une expérience importante de l’animation de groupes thérapeutiques.
Quel est l’intérêt d’utiliser ce programme en collectif ou en individuel ?
Le programme CARE a été conçu pour être réalisé en collectif. En effet, le groupe apporte des bénéfices importants en termes de soutien social et aussi au niveau des possibilités de prises de perspectives. En écoutant les retours des autres participants, l’on est amené à découvrir de nouvelles façons de considérer les événements et l’on peut assouplir son fonctionnement mental. Le groupe est donc un élément important qui facilite l’atteinte des objectifs du programme CARE concernant le développement d’une plus grande flexibilité mentale.
Toutefois, comme il n’y a pas encore des praticiens formés au programme sur tout le territoire ou dans d’autres pays, nous avons mis en ligne le programme CARE afin de rendre les pratiques accessibles aux personnes qui souhaitent découvrir les pratiques classiques de la psychologie positive. Le programme en ligne est animé par une psychologue formée au programme CARE en groupe. Elle propose des forums de discussion et des échanges plus individualisés lorsque les participants le demandent.
© Dunod Éditeur, décembre 2018 – Photo : T. Morturier