Rencontre avec Stéphane Perrio, Béatrice Roy et Jean-Yves Winum auteurs de l’ouvrage “Chimie : Je me trompe donc j’apprends ! »
L’erreur dans le domaine de l’éducation et des apprentissages a été pendant longtemps considérée comme une faute, appelant une sanction ou une punition. A ce titre, elle était perçue comme un obstacle dans les processus d’apprentissage. Cette vision a évolué et, actuellement, l’erreur est considérée comme une étape nécessaire et une alliée devant être mise à profit dans une stratégie d’apprentissage.
« Le succès ne consiste pas à ne jamais faire d’erreurs, mais à ne jamais faire la même erreur deux fois. »
George Bernard Shaw
L’apport des neurosciences
Des études en neurosciences ont montré que le cerveau humain apprend grâce à l’erreur (Bourassa, 2017 ; Sander, 2018). En effet, dès le plus jeune âge, notre cerveau fait des prédictions sur le monde qui l’entoure, mais aussi des observations et des expériences. C’est par un processus de comparaison que le cerveau met à jour ses connaissances. L’apprentissage repose donc sur des écarts aux attentes. Ainsi, un cerveau qui ne commet aucune erreur de prédiction n’apprend pas et l’erreur a toute sa place dans les processus d’apprentissage.
La typologie des erreurs
L’apprentissage par l’erreur a démontré son efficacité en pédagogie. Dans son ouvrage « L’erreur, un outil pour enseigner », Jean-Pierre Astolfi questionne sur le statut didactique accordé à l’erreur (Astolfi, 2020). Il incite les professeurs à changer de perspective en comprenant les erreurs que commettent leurs apprenants et établit une typologie des erreurs.
Par exemple, celles-ci peuvent être liées à la mauvaise compréhension des consignes, un mauvais décodage des règles du contrat didactique, des représentations notionnelles inappropriées des apprenants, une démarche de résolution de problème non adaptée, ou une surcharge cognitive. Elles peuvent aussi résulter de la complexité propre du contenu ou encore du fait que les élèves ne font pas le rapprochement entre des outils déjà utilisés dans une discipline et ceux qui sont requis dans une autre discipline.
Comment tirer profit de l’erreur dans l’enseignement ?
La résolution d’exercices ou de problèmes peut conduire à de nombreuses sources d’erreurs comme les erreurs d'inattention, les erreurs systématiques, les erreurs de méthodologie et les idées fausses.
Il ne suffit pas de faire savoir aux étudiants qu'ils ont fait une erreur, un retour d'informations sur la nature de leurs erreurs est également essentiel (Wenzel, 2002). Selon la nature des erreurs détectées, des étapes de médiation (analyse réflexive du diagnostic des fautes) et de remédiation (détermination des moyens à utiliser pour affronter la situation) peuvent être mises en place. L’analyse profonde de l‘origine des erreurs est le meilleur moyen de modifier les schémas de pensée et d'empêcher les étudiants de reproduire la même erreur. Le fait de donner aux étudiants la possibilité de trouver, de comprendre et de corriger leurs erreurs par eux-mêmes, a aussi un impact positif sur leur motivation à apprendre. De plus, il est important que l’enseignant reconnaisse que les erreurs sont une partie inévitable et importante de la promotion de l'apprentissage.
Je me trompe, donc j’apprends !
Comme nous l’avons indiqué précédemment, l’apprentissage n’est pas un processus linéaire. Il passe par des essais, du tâtonnement, des erreurs et des échecs. Il y a donc pour les apprenants un droit à l’erreur qui doit être reconnu et pris en compte. Couplé à une analyse réflexive (« feedback »), le travail sur l’erreur permet d’instaurer un climat de confiance dans lequel l’erreur n’est plus stigmatisée mais devient une alliée pour la construction du savoir.
Par ce travail, l’apprenant découvre aussi son propre fonctionnement intellectuel et gagne en autonomie.
Aborder des exercices en s’attardant sur l’erreur est une approche pédagogique originale. L’erreur est riche d’enseignement dans la mesure où il y a une multiplicité d’erreurs possibles pour une seule réponse correcte. Dans l’ouvrage « Chimie : Je me trompe, donc j’apprends ! » que nous avons rédigé, nous avons utilisé cette approche pour mettre en avant les erreurs, non pas sous la forme d’un bêtisier, mais d’une façon positive comme un outil d’apprentissage. En effet, il ne faut surtout pas considérer l’erreur comme une « perle » pour en rire, ni comme une faute difficile à vivre et systématiquement sanctionnée.
Pour élaborer ce manuel, nous nous sommes appuyés sur nos expériences d’enseignement en chimie à l’université et les erreurs que nous avons rencontrées de manière récurrente à travers les différents flux d’étudiants que nous avons côtoyés. L’objectif de cet ouvrage est de s’entrainer à déjouer les pièges tout en renforçant sa connaissance des concepts fondamentaux de la chimie.
Il se compose de fiches indexées par mots-clés. Chacune présente un exercice ou un QCM issu de sujets réels d’examens. La réponse fausse « type » est analysée et commentée à la lumière de rappels de cours sur les notions clés à maitriser, et de conseils sur la méthode à suivre pour une résolution correcte.
Enfin, la réponse est donnée, ainsi qu’une liste de pièges à éviter pour permettre au lecteur de ne pas réitérer les erreurs. Nous espérons que cet ouvrage sera pour vous un outil didactique et d’une grande utilité à vos étudiants.
N’hésitez pas à nous part de vos commentaires et suggestions à l’adresse suivante : JeMeTrompe.Chimie@gmail.com
Bibliographie
Astolfi Jean-Pierre. L'erreur, un outil pour enseigner, 13e édition, Paris, ESF éditeur, sciences humaine, collection Pratiques et enjeux pédagogiques, 2020.
Bourassa, M. ; Menot-Martin, M.; Philion, R. Neurosciences et éducation, Pour apprendre et accompagner, De Boeck Supérieur éditeur, collection Pédagogies en développement, 2017.
Sander, Emmanuel ; Gros, Hippolyte ; Gvozdic, Katarina ; Scheibling-Sève, Calliste. Les neurosciences en éducation, Retz éditeur, 2018.
Wenzel, Thomas J. Using mistakes as learning opportunities. Analytical Chemistry 2002, 74 (15), 439 A–440 A.