Comment l’empire du luxe répond-il aux défis qu’il rencontre ? Le luxe contre-attaque analyse les enjeux et les stratégies de ce secteur clé de l’économie mondiale.
Consommer de manière plus responsable
Les achats de seconde main ont explosé depuis 2019. L’année 2020 a accéléré le phénomène et vu croître ces achats de près de 50 %. La crise sanitaire a poussé les personnes à questionner leurs modes de consommation et a donné envie à un Français sur deux de consommer de manière plus responsable.
Cet engagement se traduit inévitablement dans leurs relations avec les marques. La logistique n’en a été rendue que plus complexe. Les particuliers ont, pendant le confinement, trié, vendu leurs vêtements et racheté d’autres articles. La plateforme lituanienne Vinted, qui a continué son expansion pendant la crise, possède actuellement 37 millions d’utilisateurs dans onze pays d’Europe.
La seconde main, retour au luxe ?
Le principe même de la seconde main s’inscrit dans la logique d’unicité du luxe. Il constitue même un retour aux sources, lorsque le luxe ne comptait que quelques pièces d’un même produit.
Une demande qui explose, avec un marché de plus de 130 milliards d’euros
De la même façon, la seconde main n’offre qu’un assortiment de produits uniques. Elle s’impose naturellement dans le luxe car elle renvoie à deux éléments de sa définition : durabilité et intemporalité. Elle répond surtout à une demande qui explose, avec un marché de plus de 130 milliards d’euros. Demain, il est à parier que les différents États, à commencer par l’Europe, imposeront des quotas de production à l’ensemble des acteurs du luxe, précipitant leur transformation totale. La seconde main comptera parmi les ventes de demain au même titre que les ventes de produits neufs aujourd’hui.
Tous les types de produits et de biens s’échangent aujourd’hui sur les plateformes d’e-commerce. Si on prend l’exemple de la France, 17 % des Français recouraient au marché de l’occasion en 2005 : ils sont plus de 66 % en 2021. Le site Le Bon Coin recense 29 millions de visiteurs mensuels. 800 000 annonces sont postées chaque jour. Et le luxe y est bien présent. Dès 2016, la presse en faisait ses choux gras. Des yachts, des villas de 600 m², des Rolex ou des voitures de collection étaient en vente sur le site. On ne sait pas si ces biens d’exception ont trouvé preneurs, mais contrôler ce phénomène est réellement un enjeu.
Un des piliers de l’économie circulaire
De nombreuses marques en ont pris conscience et offrent aujourd’hui un service pour reprendre, recycler, revendre leurs produits afin de leur donner une seconde vie. La croissance exponentielle des achats de seconde main provient essentiellement de la recherche de prix attractifs et d’une volonté de consommation raisonnée – dans le meilleur des cas.
L’achat d’articles d’occasion n’est plus considéré comme un tabou
Les consommateurs sont également devenus de plus en plus conscients de l’origine de leurs vêtements, remettant en question la culture de la mode jetable. L’achat d’articles d’occasion n’est plus considéré comme un tabou ; les jeunes consommateurs en sont même fiers. Certaines études estiment que le marché de la seconde main sera 1,5 fois plus important que celui de la fast fashion d’ici 2029.
Pas moins de 33 millions d’Américains ont d’ailleurs acheté des vêtements de seconde main pour la première fois aux États-Unis.
Conserver les vêtements le plus longtemps possible est une stratégie centrale pour une économie circulaire dans la mode. L’analyse de l’impact positif de l’e-commerce sur l’environnement met en évidence des avantages sur l’ensemble des ressources. ThredUP, qui reçoit des milliers d’articles par jour et a la capacité d’en traiter quotidiennement jusqu’à 100 000, détourne les vêtements de la décharge et les réutilise. Selon eux, si tous les Américains achetaient un article d’occasion au lieu d’un nouveau en 2020, cela permettrait d’économiser 3,6 millions de tonnes de CO2 (66 millions d’arbres plantés), 100 milliards de litres d’eau (1,25 milliard de douches), 200 millions de kilos de déchets (18 700 camions poubelles pleins).
Les millennials et la génération Z sont particulièrement friands de la mode vintage. Près de la moitié d’entre eux acquiert des vêtements de seconde main. 44 % des Z, selon les données récoltées par Yubo, déclarent d’ailleurs faire régulièrement du shopping en friperie. Leurs aînés de la génération X sont gagnés par cette pratique. Cette évolution est à la fois portée par un engagement écologique toujours plus grand et par une croissance des achats sur les réseaux sociaux et des communautés en ligne, répondant à une tendance de fond.
Les consommateurs recherchent de plus en plus la durabilité
Comme les acheteurs, les vendeurs privés sont souvent motivés par des considérations financières – la possibilité de gagner quelques dollars ou euros supplémentaires tout en nettoyant leurs placards. Mais le marché de l’occasion ne se caractérise pas simplement par le potentiel commercial de la revente de produits. Les consommateurs recherchent de plus en plus la durabilité, incitant les entreprises à concevoir des produits pérennes. Cette tendance permet aux marques de se positionner sur une mode plus responsable, dans une logique d’économie circulaire.
Plus le cycle de vie du produit est long, plus il peut être revendu
En construisant des modèles commerciaux autour des offres de seconde main, les entreprises peuvent créer une nouvelle valeur pour leurs clients et pour elles-mêmes. Les entreprises de revente peuvent établir un modèle de verrouillage, en offrant des bons d’achat à utiliser en magasin en échange de produits usagés. Plus le cycle de vie du produit est long, plus il peut être revendu.
Autre avantage : le rachat permet à la marque de reprendre le contrôle de ses anciens produits, qui seraient autrement vendus sur les plateformes de tiers comme Le Bon Coin ou Vinted, entraînant souvent une dilution de la marque. Les entreprises traditionnelles commencent à s’engager dans des modèles commerciaux de revente en lançant des solutions pilotes pour les séparer de leur activité principale.
Étape ultérieure essentielle, la circularité comprend la conception de produits réutilisables ou évolutifs, le recyclage des matières et le renouvellement esthétique sur la base de nouveaux concepts. Elle entraînera une relation plus étroite et pérenne entre les marques et leurs clients. La fidélisation résultera des possibilités de mise à jour des produits, voire de leur transformation en d’autres formulations.
Une première voie est de laisser les restes d’une collection se bonifier plusieurs années, puis de la proposer telle quelle en tant que produits vintage aux nostalgiques d’une mode ancienne. C’est ainsi que Raf Simons et Versace remettent leurs anciens classiques sur le marché ou que Dries Van Noten met en vente des pièces anciennes à Los Angeles.