Rencontre avec Géraud de Vaublanc, auteur de l’ouvrage Image, Réputation, Influence, qui nous présente une méthodologie opérationnelle pour permettre aux marques de valoriser leur image.
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Parce que les entreprises n’ont jamais eu autant besoin de s’appuyer sur une approche englobante et structurée pour améliorer leur image, nourrir leur réputation et accroître leur influence, en maximisant et en alignant la valeur de leurs 4 niveaux de marque : la marque corporate, la (ou les) marques commerciale(s)–, la marque financière, et la marque employeur.
A une époque où la transformation n’est plus une période charnière entre deux situations stables mais un état permanent dans les entreprises, il est important de pouvoir s’appuyer sur un socle méthodologique solide, qui permet de faire des trois révolutions - celle de l’omniprésent digital, celle de l’intelligence artificielle qui est passée du laboratoire à l’entreprise, et celle des data qui sont devenues « smart » et opérationnelles - autant de leviers à exploiter au bénéfice de l’image, de la réputation et de l’influence des entreprises.
Bénéficier d’un cadre méthodologique est également utile parce que les notions d’image, de réputation et d’influence – qui sont des actifs à la valeur économique considérable - se sont complexifiées, mais aussi fragilisées. Nous vivons dans un monde de défiance permanente. Tous les discours – ceux des politiques, des institutions, des médias et bien sûr des entreprises – sont volontiers vérifiés, contestés, critiqués, dénoncés, condamnés pour dissimulation, mensonge, greenwashing, socialwashing etc. ! Dans ce contexte de suspicion inédite, travailler sur son image, chercher à nourrir sa réputation pour asseoir son influence est un art et une technique, qui nécessitent autant de rationalité que d’intuition, autant de maîtrise du champ objectif que celui de l’émotion.
Enfin, le livre donne très largement la parole à des experts et dirigeants : Franck Riboud, pour la préface, Hubert Blanquefort d’Anglards, Nicolas Bouzou, Olivier Bas, Laurent Bazin, Frédéric Bedin, Louis Boré, Olivier Cimelière, Fabrice Davério, Benoit Desveaux, Flavie Ducasse, Thomas Fauré, Emmanuel Guinot, Christophe Lachnitt, Antoine Lemarchand, Philippe Manière, Laurent Obadia, Augustin Paluel-Marmont, Hugues de Saint-Chaffray, Emmanuel Touzeau, Frédéric Van Heems, Damien Viel, Armelle Volkringer, Dominique Wood-Benneteau. Leur témoignage puissant, original et varié nous ancre dans la réalité vécue des entreprises aujourd’hui, et offre une formidable source d’inspiration.
Youtubeurs, blogueurs, micro-influenceurs, communautés… quels sont les impacts de ces nouveaux publics sur la stratégie des entreprises ?
Outre le nombre important de parties prenantes à considérer, l’entreprise doit savoir également décrypter le comportement d’influenceurs d’un nouveau type, qui peuvent devenir des relais de leurs stratégies d’influence, mais aussi des pourfendeurs de leur réputation. Les blogueurs, les Youtubeurs, les micro-influenceurs, les communautés en font partie.
A l’origine, les blogueurs sont des personnes passionnées par un sujet, qui décident de partager de manière « non intéressée » du contenu sur leur blog. Mais au fur et à mesure, la famille des blogueurs s’est complexifiée. D’une part, certains professionnels sont également blogueurs –journalistes, experts, dirigeants. D’autre part, les marques ont fini par s’intéresser aux blogueurs, dont certains ont une véritable audience. Les plus influents sont ainsi devenus de véritables promoteurs de produits et de marque. Le paradoxe est qu’à force d’être rémunérés, les blogueurs peuvent être… démonétisés.
Mais le risque de glissement est encore plus évident dans le monde des youtubeurs. La vidéo est le support le plus populaire et le plus viral, et l’audience des youtubeurs est facile à mesurer. Certains youtubeurs sont devenus de véritables stars, suivis par des millions de fans. Là encore, on comprend que de telles audiences puissent attirer l’attention des marques, qui ont senti l’intérêt de pouvoir valoriser leurs messages et leurs produits à travers ce canal. Progressivement, une nouvelle profession est née : celle d’agents de youtubeurs, à l’instar des agences pour les artistes. Comme pour les blogueurs, et à une échelle beaucoup plus importante, l’enjeu pour les youtubeurs est de garder leur crédibilité, qui ne peut passer que par une image d’indépendance vis-à-vis des entreprises.
Tous les influenceurs n’ont pas des audiences aussi importantes. Mais parce que les outils de veille et de monitoring à disposition des entreprises sont de plus en plus pointus et sophistiqués, ces dernières peuvent essayer d’étendre leur influence auprès de micro-influenceurs. Qu’ils s’agissent de fans, d’experts locaux, de membres très actifs de communautés, ils sont suivis par des audiences certes restreintes, mais très engagées. Et il est parfois plus efficace pour une entreprise de s’appuyer sur plusieurs groupes de micro-influenceurs à la communauté restreinte mais très active que de privilégier des macro-influenceurs à la communauté très large mais moins engagée.
La communauté est justement devenue un véritable objet d’attention de la part des entreprises, dans le cadre de leurs stratégies d’influence. Comme le souligne le sociologue Michel Maffesoli, « La modernité c’est l’individualisme, la postmodernité c’est la communauté ». S’adresser à une communauté implique de revoir radicalement la manière de procéder. Alors que le marketing traditionnel consiste à « viser » un public avec une offre ciblée, dans une démarche verticale – par exemple, à travers des mailings ou de la publicité - le marketing des communautés consiste à se « mettre au service de la communauté », en faisant remonter ses attentes ou ses besoins, et en essayant d’y répondre. Pour optimiser leur stratégie d’influence, les entreprises doivent savoir faire cohabiter le marketing traditionnel – qui consiste à segmenter puis viser un public avec une offre déterminée – et le marketing des communautés – qui consiste à écouter et à se mettre au service de la communauté, de manière discrète et non-invasive.
Dans votre ouvrage, vous présentez les étapes clés d’une stratégie d’image, de réputation et d’influence avec la méthode RASPuTEAM, pouvez-vous en présenter les grandes lignes ?
RAPSPuTEAM est un modèle qui se veut global et qui permet à toute entreprise d’améliorer l’image de ses marques, d’enrichir leur réputation et de développer leur influence. A force de travailler pour des Directions générales, des Directions de la Communication ou du Marketing, dans le cadre de mission de conseil, j’ai mesuré les limites des modèles existants. Ils sont nombreux, souvent finement conçus. Que l’on pense au modèle 5P (Perspective - purpose - persona - principles - proof), très utile pour penser très en amont la vision de l’entreprise et son système de valeurs. Que l’on pense au modèle PESO (Paid, Earned, Shared, Owned), qui offre une synthèse très simple des différents canaux off line et on line à disposition des entreprises. On peut aussi mentionner la méthode HHH (Hero, Hub, Hygiene), inventée par Youtube, qui permet à une entreprise d’entretenir une interaction continue avec ses publics et communautés. Tous ces modèles et méthodes, abordés dans le livre, sont bien pensés et utiles. Mais chaque modèle ne considère qu’une petite partie de la chaîne de valeur de la stratégie d’image, de réputation et d’influence. Quant aux modèles à vocation globale, ils sont tous construits autour des mêmes dimensions classiques, qui partent du diagnostic et aboutissent au budget, en passant par les objectifs, les cibles, les messages, les axes créatifs, les outils et le planning.
Mais ces modèles font plusieurs impasses :
- ils ne posent pas la question de l’identité profonde de l’entreprise, qui est le point de départ nécessaire de toute stratégie de communication
- ils ne traitent pas du thème central des risques, si important dans le contexte crisogène d’aujourd’hui
- ils raisonnent en termes de cibles – notion incapable de refléter la multiplicité et l’hétérogénéité des différentes audiences de l’entreprise, qui se répartissent en différents publics, influenceurs, tribus et communautés
- ils sont très centrés sur la dimension corporate de l’entreprise, sans s’intéresser aux autres aspects clés – la dimensions commerciale, la dimension employeur…
- ils se concentrent sur le message, sans voir que cette notion est aujourd’hui très réductrice
- ils pensent en termes d’outils de communication, qui ne permettent pas d’appréhender la complexité de l’écosystème de communication des entreprises
C’est bien l’ambition du modèle R²ASPuTEAM² de répondre aux limites des modèles traditionnels. Clin d’œil mnémotechnique à Raspoutine – archétype de l’homme d’influence de l’ancien monde, qui fit et défit les réputations de la Russie tsariste ! - R²ASPuTEAM² est un modèle global qui repose sur 8 étapes :
Etape 1 : R² - penser simultanément sa… Raison d’être et son approche des Risques
Etape 2 : A - assurer … l’Alignement des différents niveaux de marques – corporate, commerciale, financière et employeur
Etape 3 : S - définir... la Stratégie des objectifs, sans chercher l’exhaustivité
Etape 4 : Pu - hiérarchiser les … Publics, influenceurs et communautés
Etape 5 : T - développer les … Techniques narratives pour mettre en scène son histoire
Etape 6 : E – adresser l’Ecosystème de communication
Etape 7 : A – cibler les Actions prioritaires
Etape 8 : M² - sélectionner les Moyens et Mesurer
R²ASPuTEAM² est une méthode très concrète et facilement applicable, quel que soit le contexte de l’entreprise ou de l’institution. Pour aider les entreprises à utiliser facilement le modèle, le livre propose un autodiagnostic adapté à chacune des étapes du modèle, qui permet de guider l’action mais aussi de mesurer les éventuels écarts constatés, et d’apporter des correctifs.