L’entreprise contributive un manifeste engagé pour que les entreprises se réinventent, changent leur système de valeurs et de croissance et contribuent positivement à l’économie et à la société.
Qu’est-ce qu’une entreprise contributive ?
C’est une entreprise qui fait du bien à ses parties prenantes et aux écosystèmes dont elle dépend ! En creux, c’est donc une entreprise qui ne peut pas se réfugier derrière le fait qu’elle crée de la valeur économique et des emplois pour justifier qu’elle détruit de la valeur écologique. Car c’est bien de la préservation de cette valeur dont dépend la pérennité de toute entreprise. Pour cela, elle va devoir accepter et prendre en compte le caractère implacable des faits scientifiques pour redéfinir sa raison d’être, puis reconfigurer son modèle économique en réinventant notamment son système de management et sa façon d’évaluer sa performance. C’est une révolution à l’échelle de l’entreprise, car tout ce qui va dans le sens de l’entreprise contributive est à contre sens du « business as usual ».
Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Pour sauver l’économie et nous avec (en toute modestie) ! La puissance de nos économies – la somme de nos entreprises – est devenue une force géologique majeure, dopée par l’incroyable puissance des énergies fossiles. La vitesse de l’érosion de la biodiversité, le dérèglement du climat ainsi que les inégalités sociales s'emballent avec l’accélération de la spirale de la spéculation des marchés financiers. De fait, aujourd’hui, les entreprises participent, activement, plus ou moins « à l’insu de leur plein gré », à l’effondrement du vivant et donc des civilisations. On se tire une balle dans le pied ! Or c’est vrai, nous n’avons jamais, collectivement, appris à faire autrement, et l’addiction de l’humanité aux énergies fossiles nous empêche d’envisager une autre voie de développement, engoncés que nous sommes dans nos verrous socio-techniques. Nous sommes conscients de faire partie du problème mais nous pouvons faire partie de la solution aussi ! Notre ambition, à travers ce livre, est de proposer, au-delà de ce constat, des pistes d’actions concrètes et des exemples inspirants. Car nous avons identifié des professionnels et des entrepreneurs qui, de leur côté, démontrent tous les jours que l’on peut faire du business d’une manière véritablement responsable, sans faire semblant. Ils sont une pièce d’un grand puzzle.
Ce livre est une proposition de prendre un peu de hauteur, de regarder ce puzzle en train de prendre forme, et de venir en faire partie.
Quels sont les 5 piliers de l’entreprise contributive ?
D’abord, reconnaître les faits scientifiques comme un préalable à toute doctrine économique. La croissance infinie des flux physiques est le mythe fondateur de notre économie actuelle : une aberration, dans un monde par définition fini en ressources. Les entreprises ne peuvent plus vivre « hors sol » par rapport à cette évidence.
Ensuite, et tous les autres paramètres sont à considérer comme un tout cohérent : il s’agit de commencer par la définition d’une raison d’être au service simultanément du client et du bien commun. Reconnaissons que peu d’entreprises peuvent revendiquer de se préoccuper de ce dernier point.
Puis il faut évidemment reconfigurer le modèle d’affaires et tendre vers plus de circularité et plus d’interdépendance entre les parties prenantes. L’objectif est de sortir définitivement du cercle vicieux qui consiste à « extraire, produire, vendre, jeter », le tout avec force pression sociale et sur les écosystèmes.
Et les deux derniers piliers, sans doute les moins visibles, n’en sont pas moins indispensables à prendre en compte : il s’agit d’une part d’instaurer un système de management par la valeur perçue et d’autre part de valoriser l’immatériel. Cela veut dire : faire en sorte que ses pratiques, en tout domaine, puissent être appréciées à leur juste valeur par l’ensemble des parties prenantes, les contractuelles et les non contractuelles, d’une part, et d’autre part de revoir notre système comptable. Ce dernier ne considère en effet au bilan qu’une partie du tableau - ce qui impose et entretient une vue tronquée de ce que génère vraiment l’entreprise !
Il est urgent de faire rentrer le capital humain et le vivant dans les bilans comptables.
Pas d’entreprise contributive sans vraie définition d’une raison d’être ?
Toutes les entreprises ont une raison d’être... mais elle est souvent implicitement cynique. Comme on le sait, beaucoup vivent pour préserver leur capital financier et rémunérer leurs actionnaires, et ce « quoi qu’il en coûte » pour l’humain et les écosystèmes. La raison d’être au sens de la Loi Pacte est différente évidemment, mais elle ne fait pas nécessairement de l’entreprise une entreprise contributive pour autant, s’il n’y a aucune intention de changer la nature de l’offre ou la façon dont elle est produite. Cependant, le fait de s’interroger sur sa raison d’être est un chemin initiatique qui incite à se poser les bonnes questions, et à prendre conscience, en faisant ce travail, que créer de l’abondance frugale revient à ne pas céder à la facilité du superflu pour vendre de l’inutile ! Rechercher, sincèrement, sa raison d’être, invite à reconsidérer son modèle d’affaires. Il est évident que l’exercice est plus difficile pour une entreprise dite « classique » qui va devoir changer la roue en roulant – c’est-à-dire s’appuyer sur des modèles d’affaires non durables pour investir dans ceux vraiment utiles qui pourront assurer sa survie. Mais là encore, des exemples inspirants existent, heureusement !
Pourquoi, aujourd’hui, une entreprise contributive ne doit pas se contenter de faire mieux, elle doit faire bien ?
Faire mieux, dans le langage de l’entreprise, a souvent été confondu avec faire « plus » et faire « moins pire ». Faire « plus » est surtout synonyme d’optimisation - plus vite, plus de profit, en tâchant de faire baisser les charges et donc en escamotant certains effets collatéraux - moins d’emploi, moins de soin, moins de temps, moins d’attention. Faire « moins pire », quant à lui, signifie : réduire le delta entre le « très mauvais » pour le faire tendre vers le « sans impact ». Mais à mesure que l'on optimisera le « plus », et que l’on fera « moins pire », on entretiendra un effet rebond en évitant soigneusement de se remettre en question ! En effet, on aura peut-être des impacts moins négatifs, mais comme on en aura beaucoup plus, le résultat sera… de plus en plus négatif !
C’est la raison pour laquelle, par exemple, globalement, nos émissions de gaz à effet de serre n’ont jamais été aussi élevées malgré des machines de plus en plus sobres. L’effet rebond existe pour toute technologie que l’on a cherché à améliorer. C’est un piège que nous devons, collectivement, apprendre à déminer, et accepter de nous fixer enfin des limites. Nous posons le postulat qu’il est aujourd’hui possible de viser des externalités positives, directement, et nous ne manquons pas d’exemples.
L’entreprise contributive s’inscrit-elle dans un modèle de croissance ou de décroissance ?
Nous sommes pour la croissance et la décroissance ! Pour la décroissance des externalités négatives, de l’exploitation sans limite des ressources naturelles à commencer par les énergies fossiles comme si elles sortaient d’une corne d’abondance sans fond, des pollutions associées, pour la décroissance des inégalités à laquelle on assiste malgré de sempiternelles promesses de ruissellement, et pour la décroissance d’une économie qui s’emballe autour d’indicateurs erronés : le PIB, aujourd’hui, reflète une croissance qui nous est, globalement, nocive.
Nous sommes pour considérer d’autres formes d’indicateurs afin que d’autres types de croissances puissent être mesurées et ainsi contribuer à la bonne santé globale de l’entreprise et donc de la société ! Nous sommes pour la croissance du bien-être, de l’éducation, de la santé des écosystèmes et de tous nos concitoyens. Cette croissance-là peut être infinie ! Les modèles de sociétés qui s’y rattachent ne sont pas bordés de renoncements ni de privations : nous n’irons pas, bougie à la main, nous enterrer dans une grotte, nous ne renonçons pas aux progrès réels de l’hygiène et de la santé ! Mais songeons que nos enfants et nos petits-enfants ne connaîtront pas nos gabegies, soit parce qu’une crise globale majeure les éloignera violemment de nos modèles actuels, soit parce que l’on aura su proposer et choisir des modèles visant l’entreprise contributive.
Nous pensons que nous pouvons leur préparer un avenir plus sobre et plus satisfaisant. A nous de commencer à repenser le paradigme du bonheur.