Stéphane Moriou nous parle du feedback : bien loin d’un simple outil de communication, une nouvelle langue à apprendre.
Stéphane Moriou, pouvez-vous vous présenter ?
Parfois, nous avons le sentiment de ne pas être suffisamment encouragés. Parfois, nous aurions besoin d’apprendre plus vite. Parfois, nous voudrions être plus performants. J’ai un métier fabuleux qui me permet d’aider les gens à répondre à tous ces besoins grâce à un petit outil aux grands effets. Il s’appelle le « feedback ».
En quelques mots, votre définition du feedback c’est…
Après l’expérimentation et la transmission, le feedback est la troisième voie pour apprendre. C’est un cadeau que l’on fait à l’autre pour l’aider à grandir et à réaliser son potentiel.
Bien plus qu’une mode anglo-saxonne, le Feedback peut devenir une véritable culture même si, comme vous le déplorez, nous vivons actuellement dans un désert de Feedback ?
Les études sont formelles : nous vivons dans un océan d’informations et un désert de feedback. Il y a de très bonnes raisons historiques et culturelles à cela. Le cœur de ma thèse, c’est que le feedback est le révélateur d’un phénomène beaucoup plus important que j’ai appelé la révolution des autorités.
Comme vous l’expliquez dans votre livre, il y a le bon et le mauvais feedback. Comment cela s’apprend ?
Le feedback n’est pas une science innée. Apprendre le feedback, c’est en réalité apprendre une langue étrangère. Si le vocabulaire et la grammaire feedback sont simples, les maîtriser peut prendre des années.
Je pratique cette langue depuis plus de vingt ans. J’en apprends chaque semaine de nouvelles subtilités. Il faut bien comprendre que le feedback n’est pas une seule compétence. C’est un ensemble de sous-compétences qui servent dans la vie professionnelle comme dans la vie privée.
Voici les trois familles et les neuf compétences feedback de base à développer :
Vous présentez des méthodes pour passer à la pratique du feedback. Par exemple, maîtriser le feedback positif et correctif, pouvez-vous nous en parler davantage ?
Il y a bien sûr tout un tas de règles techniques pour améliorer la qualité de sa communication. Ce qui me semble très important, c’est de comprendre pourquoi l’on souhaiterait apprendre cette langue feedback. L’une des clés essentielles pour moi, c’est que le feedback est le seul outil que je connaisse qui permette d’être simultanément exigeant et bienveillant. Exigeant sur les résultats et bienveillant avec les personnes.
Le feedback = le choix des mots ?
En matière de communication, il est très fréquent d’avoir une intention positive et de commettre une bourde. Le feedback n’échappe pas à ce risque. J’ai pris l’habitude de noter ces situations incongrues lorsque je les observe :
« Je ne m’attendais vraiment pas à ce que tu aies une si bonne note. » Tu es surpris donc, dans le fond, tu ne me croyais pas capable de réussir.
« C’est sympathique votre bureau, vous avez l’air d’être tranquille ici. » Non, vous savez, ici, on travaille aussi.
« Ta nouvelle présentation est clairement mieux que l’ancienne. » Donc l’ancienne était toute pourrie ?
Il existe toute une série de mots qui vont contaminer la conversation. Vous devrez être attentifs aux généralisations (« Tu es toujours en retard »), aux mots ambigus (« Ton charisme », « Ta communication »), aux expressions ambivalentes (« Tu es bon public »), aux adverbes qui atténuent (« C’est une idée assez intéressante »), aux formules qui rabaissent (« Je te l’avais bien dit »), etc. Je ne fais ici qu’un rapide survol adapté à la pratique du feedback. Nous pourrions écrire un livre sur le sujet.
A qui conseilleriez-vous votre livre Feedback : le pouvoir des conversations ?
J’ai écrit ce livre avec l’espoir qu’il puisse être utile au plus grand nombre. Bien sûr, il s’adresse aux managers et aux collaborateurs des entreprises. Mais il devrait aussi parler à toutes celles et ceux qui transmettent : les parents, les enseignants, les formateurs, les coachs…
J’ai un espoir secret. J’aimerais qu’il puisse toucher le cœur des dirigeants qui fonctionnent essentiellement par soumission. J'aimerais que ce livre leur révèle ce que l'histoire leur a caché. Ces autorités par soumission, nous les retrouvons dans tous les pans de la société : la politique, la religion, l’enseignement, les syndicats, l’économie…
En réalité, ce livre s’adresse à toutes celles et ceux qui sont prêts à découvrir pourquoi le feedback, ce principe essentiel dans le règne du vivant, pourrait bien contribuer à sauver l’humanité.