Le panéliste Kantar Worldpanel estime que les acheteurs privilégiant des produits réputés meilleurs ou plus vertueux que les standards représentent 22 % des Français en 2018. Ces consommateurs sont baptisés consom’acteurs.
Les consom’acteurs sont décrits, toujours selon Kantar, comme des individus seniors, urbains et disposant de bons revenus.
Leurs achats représentent 20,7 % des dépenses totales des Français.
Cette population, malgré l’écho qui lui est donné, n’est toutefois pas majoritaire. Le premier groupe reste, dans la nomenclature Kantar, celui des « tradi-contraints » (26 %), composé de ceux qui n’interrogent pas leurs habitudes de consommation et choisissent principalement leurs circuits alimentaires en fonction de contraintes budgétaires.
Le segment des consom’acteurs reste cependant, à plus d’un titre, intéressant à adresser pour les marques. Il peut devenir le cœur de cible de certaines niches et amener à l’émergence de nouveaux marchés. Il s’agit certes d’une minorité, mais d’une minorité très visible qui agit en mettant en pratique ses principes de consommation. Par ailleurs, la pression qu’elle parvient à exercer, son lobbying en quelque sorte, force les acteurs à positionner leur offre pour répondre à ses nouvelles exigences.
En matière de « mouvements civils » et de « lutte non violente », on peut rappeler que, selon les travaux de la chercheuse Erica Chenoweth (Harvard Kennedy School, Why Civil Resistance Works, 2011), il suffit qu’une faible fraction de la population se mobilise dans la résistance à une règle sociale pour la changer. Sur la base de l’étude d’une centaine de campagnes de résistance civile non violente menées aux États-Unis entre 1900 et 2006, il suffit que 3,5 % de la population se mobilisent pour une cause et traduisent leur résistance dans leurs comportements pour qu’une campagne réussisse. Aucune mobilisation impliquant plus de 3,5 % de la population n’a échoué et beaucoup de mouvements ont atteint leur objectif avec un engagement moins important. Sur le champ de la consommation, il suffit donc que 1 % de la population bascule vers une consommation purement bio pour que les acteurs de l’offre soient contraints de réagir et qu’une autre frange de la population, par mimétisme ou par opportunité, bascule à son tour.
La croissance de 22 % de la demande de produits bio en grandes surfaces en 2019 a ainsi amené les enseignes à proposer 28 % de références en plus sur la même période, afin de profiter de la dynamique. Le développement de l’assortiment bio, offrant une plus grande part de linéaire à ces produits, provoque naturellement une croissance supplémentaire de la demande, selon un effet boule de neige.
Grâce à ces 1 % d’individus consommant exclusivement bio et à leur caisse de résonance, l’offre se développe. Dans leur sillon, 12 % de la population consomment désormais des produits biologiques tous les jours, 71 % en consomment au moins une fois par mois. C’est sur la base de cette impulsion que le bio pèse, en 2020, 6 % des achats alimentaires en France.
CONSEIL
Il est indispensable pour les marques de ne pas être sourdes aux signaux faibles de la société. Ceux-ci doivent être pris en compte d’abord dans un souci d’adresser les marchés de niche qui peuvent émerger et prendre du poids.
Cependant, il est tout aussi important de pondérer correctement ces signaux. Un virage trop rapide pour répondre aux nouvelles tendances peut occasionner des confusions d’image de marque ou des décrochages prix trop importants.
Cette consommation active et revendicative trouve notamment ses racines dans une crise de confiance.
Les scandales sanitaires (vache folle en 1996, horsegate [fraude à la viande de cheval] en 2013, doute sur les parabens, bisphénol A, colorants et additifs…) et les reportages révélant des pratiques peu glorieuses de certaines branches de l’agro-alimentaire ont abîmé le lien entre cette industrie et ses clients. Cette rupture entamée les conduit à « aller voir ailleurs », et à se diriger vers des produits auxquels ils pensaient pouvoir à nouveau accorder leur confiance.
Consommateurs et acteurs du commerce forment un couple tumultueux, mêlant désir et méfiance.
Articulé autour d’études scientifiques et universitaires, et de témoignages de professionnels, « Le consommateur, éternel infidèle ? » est un ouvrage qui vise à mieux appréhender les dynamiques de cette relation quasi-amoureuse. Il permet d’adresser plus efficacement les nouvelles tendances de consommation, à rebours des idées reçues.