L’intelligence artificielle véhicule beaucoup de fantasmes. Or son impact sur le management des hommes et des organisations est une réalité aujourd’hui.
Si l’on s’intéresse à l’adoption de l’IA dans les RH, on peut affirmer sans risque qu’elle est relativement récente et qu’elle est ultérieure à son introduction dans d’autres domaines (marketing/vente, production, supply chain…).
Les clients ont « bénéficié » ou « subi » l’IA bien avant les collaborateurs des entreprises.
C’est notamment le principe de symétrie des attentions (traiter aussi bien ses salariés que ses clients ; un salarié satisfait entraîne par la force des choses un client satisfait) qui a poussé les entreprises pionnières à engager une réflexion sur le sujet depuis 3-5 ans.
En matière d’IA, il en va, comme de n’importe quelle tendance managériale ces dernières années. Le vent souffle d’abord souvent des États-Unis et en particulier des Gafami (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, IBM), des licornes (Doctolib, Netflix, Spotify, Talentsoft…) et des grands cabinets de conseil (Accenture, BCG, Deloitte…), puis se diffuse aux multinationales américaines avant de se propager aux multinationales européennes pour enfin, selon les budgets mobilisables, se développer dans les entreprises de taille plus réduite.
Cette période a d’ailleurs coïncidé avec la date de création de la majorité des startups RH en France. Durant les années 2016 à 2018, nous avons, à ce titre, connu une période faste, dans le monde RH, pour les solutions digitales et en particulier l’IA : phénomène de buzz, forte médiatisation, multiplication des conférences, mise en vedette des entrepreneurs, promotion du modèle de management des startups, levée de fonds, valorisation financière importante… Pour s’imposer sur le marché, face à des DRH souvent adverses à l’innovation technologique, de nombreuses startups ont joué la « sur-promesse » en « conjuguant l’IA à toutes les sauces », profitant du faible degré de maîtrise technologique des équipes RH. Il s’est ensuivi une vague de déceptions (2018-2019) pour les early adopters (pionniers) quand ils ont constaté que les résultats n’étaient pas toujours au rendez-vous.
Dans le même temps, profitant d’une relation asymétrique, certains grands groupes, plutôt que de s’inscrire dans une relation partenariale avec les startups, ont abusé de POC à faible coût qui leur permettaient d’afficher une « forme de branchitude » tout en faisant en sorte de faire du saupoudrage technologique sans intention de véritablement révolutionner leurs politiques RH. De nombreuses startups se sont épuisées à ce petit jeu et certaines en sont mortes.
46 % des DRH considèrent qu’ils utiliseront l’IA à un degré important d’ici 2023
Axis Consultants, 2019
IA et RH : de la parole aux actes
Aujourd’hui, cette phase infantile semble terminée. Les directions RH ont fait leur expérience. Nous sommes entrés dans l’ère de la maturité. 46 % des DRH considèrent qu’ils utiliseront l’IA à un degré important d’ici 2023 (Axis Consultants, 2019). En particulier, 79 % des DRH sont d’accord pour dire que les chatbots seront une interface importante pour les employés pour obtenir des réponses en temps réel. Néanmoins, ce déploiement se heurte à différentes barrières qu’il faudra lever.
Les barrières limitant le développement de l’IA dans les services RH :
- Financière (volonté des décideurs de consacrer le budget nécessaire au déploiement de ces applications).
- Humaine : difficulté à recruter et à retenir des personnes qualifiées dans le domaine de la data RH et du digital.
- Légale : confidentialité des données, respect de la législation RGPD.
- Technologique : limites des SIRH existants, capacité d’intégrations, difficultés à recueillir des données fiables ; risque de cyberattaques.
- Méthodologique : données insuffisantes pour tirer parti du deep learning, biais algorithmiques.
- Éthique : risque de processus d’IA RH non inclusif, mauvais usage de l’IA.
- Structurelle : manque de coopération entre les services et au sein de la fonction RH.
- Logistique : nécessité de révisions et de mises à jour régulières.
- Expérientielle : engagement dans la durée des collaborateurs une fois l’effet nouveauté passé.
Les entreprises approchent maintenant les startups RH, et l’IA en particulier, de manière plus pragmatique (quelle finalité ? Quelle expérience collaborateur ? Quelle attente satisfaite ? Est-elle prioritaire ? Quels risques de non-adhésion ? Quel risque de désaffection dans la durée ? Quel coût ?) sans que pour autant les équipes RH aient sensiblement augmenté leur maîtrise technique sur ces sujets (big data, deep learning…). Être centré sur l’utilisateur (user centric) et tirer parti des expériences passées sont deux garde-fous pour aborder sereinement ces sujets. Nous pouvons donc annoncer, sans trop nous tromper, que l’IA is coming.