Trouver et exploiter ses forces en libérant ses points forts c’est la stratégie que propose Antoine Carpentier dans son nouvel ouvrage.
Antoine Carpentier, pouvez-vous nous expliquer pourquoi il est primordial de chercher à développer nos points forts ?
En tout premier lieu, il me semble important de rappeler qu’un point fort n’est pas seulement « quelque chose que nous faisons bien » : c’est une qualité intrinsèque qui, lorsque nous la mettons en œuvre, nous permet d’agir avec aisance, facilité et efficacité.
En ce sens, développer nos points forts revient à d’abord (re) découvrir les ressources personnelles dont nous disposons, là où la culture corrective traditionnelle s’est appliquée surtout à nous rappeler nos défauts, nos limites et nos points faibles.
Surtout, développer nos points forts, c’est continuer encore de travailler et de renforcer nos qualités, en profitant d’une évidente spirale positive, alliant motivation, confiance en soi, progrès, succès, etc. Choisir la voie de nos forces, c’est tirer parti d’un potentiel de développement immense et qui, au-delà du seul objectif de rendement des efforts et de performance, répond aussi à nos légitimes aspirations de sens : cultiver nos points forts, c’est trouver ce que l’on peut « apporter de soi au monde commun » pour reprendre la belle expression d’Hannah Arendt. Aristote l’affirmait déjà en son temps : « Là où vos talents et les besoins du monde se rencontrent, là se trouve votre vocation ».
Améliorer ses points faibles est donc inutile ?
À nouveau, distinguons bien la notion même de point faible – que je définis dans le livre comme une qualité manquante ou en tout cas qu’il nous est difficile à mettre en œuvre – du fait d’être en difficulté dans telle ou telle activité.
Qu’il nous faille progresser dans l’activité en question peut être utile, parfois même indispensable.
En revanche, ce qu’il faut questionner, c’est le chemin pour y parvenir. Passer par la voie des points faibles, c’est-à-dire tenter de développer des qualités qu’on ne possède pas, est difficile, source de doute, de stress et bien souvent d’échec. Le risque, finalement, est alors de décréter que « décidément, nous ne sommes pas faits pour ça ! ». Travailler ses points faibles est non seulement inutile mais aussi contre-productif.
Ce que je m’applique à montrer dans l’ouvrage, c’est que le chemin des points forts est bien plus court et bien plus sûr. Il consiste à trouver comment réussir, dans une activité donnée, avec les qualités naturelles que nous possédons. « Tous les points forts mènent à Rome », pourrait-on dire pour contredire la croyance selon laquelle il n’existerait, pour réussir dans un domaine, qu’un seul et unique plan d’action, impliquant de posséder absolument certaines qualités. Un peu comme si, pour écrire, on obligeait tout le monde à utiliser la main droite !
Qu’est-ce que le « mauvais doute » ?
J’ai tenu à m’arrêter sur la notion de doute parce que celle-ci sert souvent de contre-argument pour s’opposer à la logique de développement des points forts et de la confiance en soi : il serait sain et noble de cultiver le doute.
Ce débat très binaire n’a pas réellement de sens : il serait tout aussi absurde bien sûr de douter de tout, comme il le serait aussi de ne douter de rien !
« Il faut savoir douter où il faut, se soumettre où il faut, croire où il faut », disait Pascal.
Le doute, lorsqu’il nous amène à poser un regard critique sur le monde, à rester vigilant quoiqu’il arrive, etc. est probablement une saine attitude. C’est lorsqu’il porte sur nos capacités personnelles que le doute devient limitant et handicapant, qu’il nous empêche d’oser, de créer, d’innover, de rêver. C’est bien ce « mauvais doute » qu’entretient malheureusement la logique corrective que je remets en cause dans mon livre : en prenant conscience de nos défauts, nous finissons par perdre confiance en nos qualités !
Vous proposez une stratégie pour travailler sur les points forts, pouvez-vous nous en dire plus ?
S’appuyer sur ses points forts n’est pas une idée neuve : elle est très répandue dans l’univers du sport, elle nourrit aussi les pratiques des bons coachs. Mais je me suis aperçu qu’il existait peu de pistes sur sa mise en œuvre.
C’est pourquoi j’ai souhaité proposer quelques repères pour aider chacun à s’approprier la logique des points forts.
La 1e étape, dite de concentration stratégique, consiste à identifier ses forces, définies donc comme les aptitudes spécifiques que nous possédons. Ce sont ces qualités qui fondent notre stratégie d’action personnelle.
Dans un 2e temps, d’alignement tactique, il s’agit de définir, selon l’activité dans laquelle nous nous investissons, les situations et les plans d’action les plus cohérents avec notre stratégie personnelle - ceux exploitant au mieux nos talents. L’objectif, à ce stade, est de parvenir à passer le plus de temps possible sur ce « terrain de jeu » préférentiel, en minimisant donc les situations-limites dans lesquelles nous nous confrontons à nos manques ou nos faiblesses.
La 3e étape, enfin, est celle de la consolidation basique. Elle consiste d’abord à conscientiser et affûter nos points forts, pour ajouter de la technique, de la précision, de la fiabilité à ce qui n’est parfois qu’un talent « brut ». Cette étape de consolidation basique doit aussi nous amener, sur les situations-limites cette fois, à identifier et ancrer quelques gestes simples, sortes de réflexes basiques permettant de faire ce qu’il faut même quand, par définition, on ne possède pas les qualités nécessaires.Ce que je tiens à souligner, au-delà de ces points de repère, c’est l’idée que la logique des points forts ne consiste pas à rester dans sa zone de confort, en se contentant de faire ce qu’on a toujours à peu près bien fait... mais bien à en repousser les limites : consolider ses forces, mieux les exploiter, apprendre à les utiliser dans d’autres situations, etc.
À qui conseilleriez-vous votre ouvrage ?
Le livre pourra être utile d’abord à tous ceux qui s’interrogent sur leur propre développement, professionnel bien sûr, personnel également.
Il est aussi destiné à tous ceux qui ont charge d’accompagner un ou des tiers. Que l’on soit manager, éducateur, entraîneur, coach ou tout simplement en tant que parents, nous pourrons trouver dans la voie des points forts des perspectives de progrès, de succès et d’épanouissement, bien plus sûres que celles promises par la traditionnelle logique corrective.