Permettre à l’entreprise d’anticiper dès aujourd’hui les futurs enjeux humains et ne pas subir ce que son environnement lui impose. Rencontre avec Gilles Verrier, auteur de l’ouvrage « Les RH en 2030 ».
Pourquoi avoir écrit le livre Les RH en 2030, 30 pistes concrètes pour réinventer l'entreprise ?
Ce livre a été conçu avec un objectif : fournir à chaque DRH des clés pour que son entreprise capitalise toujours mieux sur le facteur humain dans les prochaines années.
Il est commun de souligner les transformations d’ampleur à l’œuvre dans notre société. Qu’elles soient technologiques, économiques, sociologiques, démographiques, environnementales ou sociétales, elles ont un impact considérable sur ce qui se joue dans l’entreprise. Dans ce contexte, deux approches sont possibles pour un DRH. Soit il se laisse porter par les besoins et demandes du quotidien, au fil de l’eau. Le risque est alors de rester toujours dans le même cadre, dans les mêmes schémas de pensée, au sein des mêmes contraintes. Soit il adopte une approche proactive qui lui permettra de sortir de ce cadre. Il peut alors apporter une valeur sans commune mesure. Mais pour cela, il doit se construire un cap et disposer de repères sur le champ du possible.
Avec cet ouvrage, nous avons certes adopté une approche prospective. Non pas en décrivant tous les futurs possibles pour les RH. Mais en présentant ce qui nous paraît être un futur désirable, un futur qui réconciliera l’économique et l’humain. Les décisions de l’entreprise doivent lui permettre de capitaliser sur tout le potentiel que porte le facteur humain dans la société d’aujourd’hui, sans pour autant nier les obstacles et les contradictions.
Les DRH qui adhérent à cette conception du facteur humain comme le moteur du développement de l’entreprise trouveront donc, pour chacun des 30 enjeux que nous avons identifiés comme devant être traités d’ici 2030, des éléments de réponse utiles dans ce livre, à travers les raisonnements développés, les démarches envisagées et les illustrations présentées.
Vous établissez, pour 2030, un idéal en présentant 30 raisonnements. Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez dégagé ces pistes ?
Avant notre activité d’écriture, nous sommes des opérationnels des RH qui interviennent au quotidien dans des entreprises très diverses pour les accompagner sur leurs problématiques RH. C’est en premier lieu la matière recueillie et produite lors de ces interventions qui vient nourrir notre propos. 50 exemples d’entreprises illustrent ainsi notre approche.
Dans les missions que nous menons, nous œuvrons à faire émerger des réponses innovantes, qui aideront les entreprises à faire face à leurs défis futurs.
Ce qui nous conduit à rechercher et à définir les voies RH de demain. Pour cet ouvrage, nous nous sommes appuyés sur ces contenus pour identifier ce qui permettrait ainsi à l’entreprise de se réinventer.
Certains ont une vision très réductrice de la fonction RH, cantonnée à ses activités traditionnelles. Notre approche est à l’opposé. Ce métier a vocation à intervenir sur tout ce qui relève de l’humain. Aucun autre acteur de l’entreprise ne le fera en traitant ces enjeux sous toutes leurs facettes, comme peut le faire la fonction RH. C’est le facteur humain dans toutes ces dimensions sur lequel il s’agit demain d’agir pour que l’entreprise se développe.
Les pistes développées dans cet ouvrage couvrent donc l’ensemble de la palette. Cela ne signifie pas pour autant qu’un DRH doit mener tous ces chantiers en parallèle. Il y a certes un tableau d’ensemble à construire. Mais il y a aussi une dimension tactique dans la gestion de ces transformations, en intervenant en priorité sur les enjeux humains qui fédèrent.
Dans votre ouvrage, vous insistez sur la nécessité de réaligner trois dimensions : le système économique, les enjeux sociétaux et le modèle humain. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?
Jusque dans les années soixante-dix, ces trois dimensions étaient alignées. Le capitalisme industriel avait structuré un ensemble cohérent : recherche d’une rentabilité moyen terme, développement de la consommation de masse, modèle taylorien ou néo-taylorien.
Avec le développement du capitalisme financier, la divergence va croissant entre un système économique qui privilégie la rentabilité court terme et les enjeux sociétaux à traiter. Il y a désalignement entre les deux dimensions.
Quant au modèle humain, il est aujourd’hui écartelé entre les deux. Au regard de la part croissante des travailleurs du savoir, gérant informations et relations, ainsi que des aspirations et enjeux sociétaux, les entreprises devraient basculer dans une logique de développement de leur capital humain. Mais les impératifs à courte vue visant la rentabilité immédiate conduisent de nombreuses organisations à considérer cet investissement comme une contrainte.
Il existe un scénario extrême dans lequel les enjeux sociétaux restent ignorés, le potentiel du facteur humain négligé et la recherche de rentabilité court terme poussée toujours plus loin. Mais il en existe un autre dans lequel les intérêts de différents acteurs convergeraient, les aspirations des collaborateurs étant mieux prises en compte du fait des pénuries de compétences, les consommateurs infléchissant leurs comportements d’achat, les dirigeants apportant les premiers éléments de réponse, l’opinion conduisant la puissance publique à se mettre en mouvement et à inciter les actionnaires à s’aligner, bon gré, mal gré, notamment à travers la fiscalité.
Entre ces deux scénarios, il ne s’agit pas d’être optimiste ou pessimiste, mais de se mettre en mouvement pour contribuer à un réalignement du système économique avec les enjeux sociétaux et le modèle humain. Notre ouvrage fournit des pistes pour cela.
Pourquoi le modèle relationnel de l’entreprise doit-il être renouvelé ?
Les entreprises sont confrontées à une accélération radicale de la transformation de leurs marchés et à un paysage concurrentiel élargi, avec un client devenu rare. Seule la capacité d’une organisation à s’adapter en continu, voire à anticiper peut lui permettre de tirer son épingle du jeu. L’environnement business de l’entreprise lui impose d’être plus agile, plus flexible et plus réactive. Il est illusoire de vouloir gérer cette situation de manière centralisée. Le collaborateur doit pouvoir s’affranchir du formel si la confrontation avec le réel l’exige : l’intelligence des situations doit primer sur la contrainte. Ce que nous voyons ici, c’est que le développement de l’autonomie est le principe organisationnel qui permettra d’assurer la meilleure performance, en déplaçant au plus près du client le pouvoir de décision.
Sur le plan sociologique, ce que vivent les personnes dans leur vie hors-travail est l’objet d’une mutation profonde et continue. L’individu décide beaucoup plus souvent et son autonomie est sans commune mesure avec ce qu’elle était. Chacun est préparé à agir au travail en individu autonome.
Quant aux technologies disponibles, elles rendent cette autonomie toujours plus réalisable et plus facile à exercer. La personne ou l’équipe dont l’autonomie est requise a désormais accès, avant de prendre une décision, à une information de plus en plus large et complète.
Faut-il le rappeler, autonomie et responsabilité sont les deux faces d’une même pièce, puisque chacune est la condition de l’autre. Il ne suffit pas à l’entreprise de vouloir accroître l’autonomie de ses collaborateurs pour réussir cette mutation. Elle doit aussi développer leur responsabilité. Combinées au principe de confiance, à l’impératif de coopération et à la recherche d’intelligence collective, l’autonomie et la responsabilité structurent le modèle relationnel émergent.
Pour en savoir plus, découvrez le livre Les RH en 2030 - 30 pistes concrètes pour réinventer l'entreprise
Un ouvrage pragmatique permet de définir les objectifs RH des prochaines années. Forts de leurs interventions en entreprise, les auteurs proposent 30 pistes concrètes et réalisables dès aujourd’hui, comme :
- traduire les choix stratégiques en compétences clés ;
- mettre en place des recrutements atypiques ;
- expérimenter l’apprentissage en situation de travail ;
- reconfigurer les processus RH en s’appuyant sur les technologies ;
- repositionner les managers au service des collaborateurs, qui, accompagnés des RH, prennent en main leur propre évolution professionnelle.
Ce livre fournit les repères indispensables à ceux qui décideront d’adopter une démarche proactive pour préparer 2030.